jeudi 8 janvier 2015

#jesuisCharlie


Après le deuil et le recueillement, il y a le temps de l'analyse. Celle produite par Juan Cole (lien), professeur d'histoire à l'université du Michigan, est intéressante et l'Histoire justement lui donnera raison ou non. Mais le mécanisme qu'il décrit est un grand classique des révolutions, qu'on peut analyser par le prisme de la théorie des jeux et de l'économie politique : confrontée à une majorité de musulmans français complètement désintéressée par le Jihad, Al-Qaïda (ou une autre organisation terroriste) cherche à les isoler du reste de la population afin d'augmenter sa base de recrutement. Les attentats d'aujourd'hui contre des mosquées semblent indiquer que jusqu'à présent, cette stratégie peut fonctionner, grâce aux nombreux excités identitaires français. 


On retiendra donc cette phrase : “Sharpening the contradictions” is the strategy of sociopaths and totalitarians, aimed at unmooring people from their ordinary insouciance and preying on them, mobilizing their energies and wealth for the perverted purposes of a self-styled great leader."

Et pour ceux qui souhaitent comprendre, il y a toujours le blog d'Abou Djaffar sur Le Monde, et cet article prophétique écrit il y a une semaine.


dimanche 4 janvier 2015

Marronnier de début d'année

A chaque changement d'année, il est de coutume dans la blogosphère de rappeler les plus grands succès de l'année venant de s'écouler, et je ne ferai pas exception. 

1) De très loin, la série "Les faux économistes" (Partie 1Partie 2) , citée par Alexandre Delaigue, qui empiétait assez largement sur son turf. 

2) "La classe moyenne n'existe pas" (lien) au du moins, pas au sens statistique. Il y a par contre plein de définitions sociologiques, relatives ou absolues (communauté d'intérêts, travailler pour vivre, être capable de partir en vacances, etc....). Pour souligner à quel point c'est un sujet difficile, voici un article récent de Timothy Taylor tentant de définir la classe moyenne mondiale : Middle Class: Reflections on Identity and Aspiration

3) "La France est-elle en déclin?" parce que c'était facile de surfer sur le succès de Zemmour. 

Bonne année 2015!


jeudi 18 décembre 2014

Sinn versus Saraceno : 0-2

Il semblerait que Hans-Werner Sinn, un économiste respecté outre-Rhin mais très critiqué ailleurs pour son opposition à toute mesure expansionniste, qu'elle soit monétaire ou budgétaire, soit vexé par la levée de boucliers que sa tribune dans le Financial Times en septembre - critiquant ouvertement la politique de Mario Draghi - a provoquée. Il a récemment écrit à Francesco Saraceno pour mieux expliciter sa position. Francesco Saraceno répond ici.


Pour mémoire, voici les posts que j'avais consacrés au sujet en septembre : 

mercredi 3 décembre 2014

La France est-elle en déclin?

Critiquer le modèle français est un sport à la mode. N’ayant aucune expertise particulière sur les questions sociétales, je ne m’aventurerai pas à commenter les nombreux livres que les névrosés de la grandeur perdue publient à chaque rentrée littéraire autrement que sous l’angle économique. 

C’est bien connu, la France a un modèle économique dépassé, fondé sur l’interventionnisme d’Etat et des dépenses publiques impliquant soit des impôts étouffants, soit une dette insoutenable. Cette vision est tellement bien ancrée dans les esprits qu’on peut aujourd’hui écrire dans tous les quotidiens nationaux qu’il faut ramener le niveau de la dépense publique à tout prix au niveau de celle de nos voisins les moins « dépensiers » sans que personne n’ose émettre un doute. De même, il faut sans plus tarder entreprendre les réformes structurelles nécessaires à la libération des forces vives de la Nation, sans quoi notre pays s’enlisera plus profondément encore dans le déclin. 

La science économique, et les théoriciens de la croissance plus particulièrement, étudient les déterminants du développement et de la croissance. Ces déterminants ne sont pas les mêmes lorsqu’on considère les pays développés et les autres. Et en effet, pour un pays en voie de développement les données suggèrent que la stabilité politique, l’ouverture commerciale, des institutions juridiques protectrices des intérêts privés et une forte épargne nationale (privée ou publique) permettent l’accumulation de capital (machines, outils, routes, bâtiments…) nécessaire à l’accroissement de la productivité des travailleurs, ainsi que l’importation de technologies - au sens large, cela comprend les modes d’organisation - menant à une utilisation des facteurs de production la plus optimale possible. Concrètement, ces économies « rattrapent » la productivité horaire des travailleurs des pays développés en accumulant du capital et en imitant les procédés. 

Pour un pays développé, dont on dit qu’il est « à la frontière technologique », et pour lequel la productivité d’une unité supplémentaire de capital est nulle, il ne sert à rien d’épargner plus que l’investissement nécessaire au remplacement du capital se dépréciant, et éventuellement à l’absorption des gains de population active. De même, les gains à l’ouverture commerciale se font de plus en plus rares, celle-ci ne permettant que la diffusion plus rapide des nouvelles technologies : dans la nouvelle économie internationale (une branche de la science économique), les gains à la spécialisation sont assez faibles à cause de l’hétérogénéité des préférences. De fait on constate que l’essentiel des échanges entre pays développés porte sur des biens assez similaires (la France exporte et importe énormement de voitures). 

Cette difficulté à identifier les facteurs de réussite laisse la part belle à l’imagination et aux préjugés. Dans le logiciel de beaucoup de commentateurs de l’actualité économique, il semblerait qu’il soit impossible d’imaginer qu’un pays aussi peu flexible que la France - ce que je ne conteste pas - puisse faire jeu égal avec ses voisins. Mais si la France avait une économie aussi sclérosée qu’on le dit, cela devrait bien finir par se voir dans les indicateurs macroéconomiques. Or ce n’est clairement pas le cas. 

Les deux graphiques ci-dessous étudient la croissance du PIB (en parité de pouvoir d’achat) par habitant en âge de travailler (15-64 ans), ce nous donne une mesure de la production par habitant qui n’est pas trop perturbée par la démographie. Ce n’est pas non plus exactement la productivité par emploi, car un pays à l’économie « sclérosée » comme la France tend à tenir les adultes en âge de travailler les moins productifs hors de l’emploi, ce qui biaiserait notre étude. 

Le premier graphique donne l’évolution moyenne de cet indicateur pendant la crise. On s’aperçoit que la France se situe pile au milieu du lot, avec un PIB par personne en âge de travailler en 2013 égal à celui de 2007. Les pays n’ayant pas retrouvé leur richesse par habitant d’avant la crise sont notamment le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, les Pays-Bas et la Finlande (combien d’entre vous auraient parié à tort que ces pays s’en sortaient mieux que la France?).

Le deuxième graphique donne le taux de croissance de cet indicateur par pays de 1990 à 2007, soit un cycle économique complet au cours duquel les pays de l’OCDE ont connu au moins deux épisodes récessifs avant de rebondir, en fonction de son niveau en 1990. On s’attend à ce que la plupart des pays se trouvent soit dans le cadran nord-ouest, celui des pays les moins développés en 1990 et ayant connu une croissance plus importante que la moyenne, soit dans le cadran sud-est, celui des pays plus développés, à la frontière technologique, et ayant cru à une vitesse moindre. On constate qu’il y a des points aberrants, comme la Norvège et le Luxembourg, qui étaient déjà plus riches que la moyenne en 1990 mais ont continué de croître, ou la Grèce, le Portugal et la République Tchèque qui sont dans le cas inverses. Mais a part ces pays-là, et compte tenu de la marge d’erreur sur le calcul des parités pouvoir d’achat, la relation linéaire est assez directe. 


Si on s’intéresse au cas de la France, on constate qu’elle a cru au cours de cette période à la même vitesse que l’Autriche la Suède, le Canada, la Belgique et les Etats-Unis, légèrement moins vite que l’Allemagne et légèrement plus vite que l’Italie. Le Royaume-Uni a cru plus vite mais partait de plus bas (et a connu un fort boom dans les années 2000), le Japon a cru moins vite mais partait de plus haut. Le premier enseignement, c’est que la France a cru à la même vitesse que des pays qui étaient tous déjà plus riches par adulte qu’elle en 1990. Sur une période aussi longue, au cours de laquelle les cycles économiques étaient assez synchrones, seuls des facteurs structurels peuvent expliquer le manque de rattrapage de la France. 

Mais un manque de rattrapage n’est pas un déclin. De fait, c’est chose connue que la France connaît un taux d’emplois des 15-64 ans assez faible, ce qui mécaniquement se traduit, à productivité identique, par un PIB par habitant plus faible. Cependant la thèse des déclinistes n’est pas seulement que la France produit moins de valeur ajoutée que ses voisins, ce que personne ne nie, mais que l’écart se creuse, ce qui n’est pas le cas. 

Alors pourquoi cet écart ne s’est-il pas résorbé ? L’explication des taux d’activité est la plus probable. Le côté « sclérosé » de l’économie française se traduit par un plus faible emploi des seniors - qui sont encouragés à partir plus tôt qu’ailleurs à la retraite - et un plus faible emploi des 15-24 ans - qui n’ont pas besoin de travailler pour payer leurs études. Le taux d’emploi des 25-54 ans en France est en revanche assez élevé, ce qui compense seulement partiellement la sous-activité des jeunes et des seniors. On notera que même parmi les actifs, le nombre important de chômeurs est compensé par un nombre de temps partiels faible en comparaison des autres pays. Finalement, tout se passe comme si les Français avaient collectivement choisi de moins travailler, ce qui pèse sur le revenu par tête, mais que leur productivité augmente comme celle des autres pays, ce qui maintient les écarts constants. 

Les Français font peut-être une erreur de moins travailler en moyenne sur toute une vie, je n’en sais rien, mais celui qui l’affirmera (ou affirmera le contraire) ne fait pas de sciences sociales, il utilise des arguments en général politiques (tel groupe ne veut plus financer tel autre groupe) et/ou moralistes (vouloir se reposer est un péché en soi). Faut-il décourager la solidatité inter-générationnelle ou rendre les études si chères que les étudiants devraient travailler pour les financer ? Faut-il repousser l’âge légal de départ à la retraite ? Faut-il maintenir les taux d’emplois des seniors et des étudiants à leurs niveaux actuels mais compenser par un travail plus intensifs chez les 25-54 ans ? Comment le financement des retraites est-il assuré, et quel groupe (retraités actuels, imminents, futurs) faut-il pénaliser pour rétablir l’équilibre ? Ce serait mentir que prétendre qu’il existe une réponse optimale et dénuée de jugement moral. 

mardi 18 novembre 2014

Le problème allemand

Navré pour la fréquence de publication réduite ces derniers temps, des obligations professionnelles se sont accumulées. Elles sont toujours nombreuses, l'article d'aujourd'hui n'est qu'une revue de blogs. 

Beaucoup de commentateurs (Simon Wren-Lewis, Antonio Fatas, ou moi-même) restent perplexes devant l'incapacité des élites allemandes à percevoir le problème des déséquilibres macroéconomiques européens de la même façon que la plupart des économistes universitaires. Rarement dans l'histoire des sciences sociales n'ont les décideurs autant été sourds aux interprétations, certes parfois contestables mais souvent fondées, des chercheurs ayant consacré leur carrière à l'étude de ces phénomènes. Ce qui est particulièrement frustrant c'est qu'il ne semble pas que la source de cette surdité soit les intérêts financiers, le lobbying privé ou l'égoïsme nationaliste car il n'y a aucune raison de penser (à moins d'être germanophobe) que ces facteurs prévalent en Allemagne plus qu'ailleurs. 

Il faut donc se retourner vers l'histoire, et un article récent de Wolfgang Münchau dans le Financial Times offre un début de réponse. Il reste à savoir pourquoi la communauté économique allemande est à ce point isolée du reste du monde, ou pourquoi, si elle ne l'est pas, elle semble n'avoir aucune prise sur le débat. Je n'ai jamais apprécié les explications à base de "facteurs culturels", qui servent souvent à maquiller l'ignorance et les préjugés par de la pseudo-science, mais il faut bien reconnaître parfois qu'il doit bien y avoir des causes plus profondes. L'article est ici


lundi 27 octobre 2014

Sapin révise les hypothèses pour se conformer au Pacte de Stabilité

Contrairement à ce que les titres de presse indiquent, aucune nouvelle mesure de réduction du déficit n'a été annoncée, seulement une révision des hypothèses qui déterminent le budget. Finalement, c'était la meilleure chose à faire pour éviter d'introduire de la pro-cyclicité dans la règle budgétaire, et permettre à nos partenaires européens de valider le budget sans décrédibiliser le Pacte de Stabilité. 

Mais on se demande quand même pourquoi le gouvernement a choisi de réviser à la baisse la croissance potentielle entre avril et octobre (lien). Sans cette révision, on aurait pu éviter tout ce psychodrame. 


vendredi 24 octobre 2014

Sondage: effet redistributif des politiques publiques

Dans ce sondage, on vous demande de classer suivant un axe gauche/droite les différentes réformes proposées, selon leur impact sur le pouvoir d'achat des différents ménages (aisés, démunis, classe moyenne...). Cela ne tient évidemment pas compte d'autres dimensions. 

Le but est de vérifier s'il y a un lien entre volonté de redistribution et positionnement gauche/droite, et si oui lequel? 


Les résultats seront analysés ici plus tard. Ce sondage n'ambitionne nullement d'être représentatif, vous pouvez le transférer à vos amis.