jeudi 13 février 2014

L'importance de la macroéconomie en finances publiques (Partie IV et fin) : Simulation

Suite et fin de Partie I, Partie II et Partie III


Traduisons l'importance de nos quatre paramètres en étudiant plusieurs cas. Dans tous les cas nous nous intéressons aux trajectoires suivies par le PIB et le déficit public d'un pays étant à l'équilibre stationnaire jusqu'à t = 0



L'équilibre stationnaire, kessécé? 



Cela signifie que le PIB (Y) est à son potentiel (YP) chaque année, donc l'Output Gap (OG) est nul, que le déficit (D) et la dette (B) sont stables en pourcentage de PIB. Par exemple, la dette. La dette augmente avec le déficit chaque année. 

B(t) = B(t-1) + D(t)
En pourcentage de PIB, on divise tout par Y(t) et on note les pourcentages en minuscule
B(t)/Y(t) = B(t-1)/Y(t-1) * Y(t-1)/Y(t)  + D(t)/Y(t)
b(t) ~ b(t-1) * (1-g(t)) + d(t)

Plaçons nous dans le cas stationnaire, le ratio de déficit est constant à d, la croissance est égale à la croissance potentielle g, et le ratio de dette se stabilise à b quand
b = b *(1- g) + d
Donc b = d/g

Par exemple, si la croissance potentielle est de 5% (2.5% de croissance en volume et 2.5% d'inflation donne une croissance du PIB en euros courants de 5%) une dette se stabilisera à 60% du PIB quand le déficit sera à 3%. C'étaient les hypothèses de Maastricht. 

Pour simplifier les calculs, on peut prendre comme hypothèse une croissance potentielle nulle, donc un PIB potentiel constant à 100 par exemple, un déficit nul et une dette nulle. Ca ne change pas grand chose par la suite, puisqu'on raisonne en déviation par rapport à l'état stationnaire. A t = 0, il arrive un choc de demande à ce pays. Par exemple, une crise financière. L'output gap passe subitement à -10%. Le déficit augmente donc de 10 points fois l'élasticité (disons 0.5), donc 5 points. Mais l'augmentation de ce déficit réduit l'output gap via le multiplicateur (disons 1). Ce processus converge et au final on se retrouve avec un output gap moins élevé que le choc initial, et un déficit positif. 


Par la suite, en supposant bien sûr que l'économie n'est pas prise dans une spirale négative à la Fisher et que les ressources productives inutilisées ne se détériorent pas (voir Partie I), le PIB suite une trajectoire le ramenant vers son potentiel, aidé par le déficit conjoncturel. Dans cette simulation, le PIB potentiel et la balance structurelle sont inchangés. 



Si on étudie ces trajectoires selon les différentes valeurs de l'élasticité et du multiplicateur, on constate que le PIB revient plus rapidement à son potentiel quand l'élasticité est grande (les stabilisateurs automatiques sont plus forts) et quand le multiplicateur est élevé. Cela peut expliquer pourquoi les pays où la part de l'Etat dans l'économie est importante ont mieux résisté à la crise les premières années et pourquoi les reprises sont plus rapides juste après un choc important de demande identifié comme tel, quand la banque centrale laisse jouer les stabilisateurs automatiques, voire les accompagne en accommodant sa politique monétaire.  





  • Dans la vraie vie



Et la réalité dans tout ça? Dans la vraie vie, on ne connaît pas bien le niveau du PIB potentiel. Très souvent, les estimations disponibles considèrent qu'il baisse au moment d'une crise économique alors que cela paraît étonnant d'imaginer que tant que ressources productives sont détruites en une seule année. Cela peut-être le cas si l'économie fait face à un gros choc d'offre (augmentation des prix pétroliers par exemple) la conduisant non pas à s'éloigner momentanément de son équilibre stationnaire, mais à changer d'équilibre stationnaire. Mais dans le cas d'une crise de la demande pure, cela ne devrait arriver qu'à travers les effets d'hystérèses évoqués dans la Partie I, lorsque les ressources inutilisées se détériorent et que la productivité baisse. 

Les estimations de court terme de l'output gap, donc du déficit structurel, sont hautement volatiles et bien souvent les économistes d'institutions travaillent sous contrainte politique, c'est-à-dire que si leurs estimations les conduisent à préconiser des politiques qui ne plaisent pas à leur ministre, commissaire européen, etc... ils sont gentiment invités à réviser leur estimation ou à ne pas les publier. Par exemple, prenons la chronique des déficits structurels Allemand, Français et Britannique depuis 2003 selon la Commission Européenne

Source : Commission Européenne

La crise de 2009 aurait eu un impact de 4 points sur le déficit structurel anglais, et de 2 points sur le déficit structurel français. Sachant que les déficits totaux anglais et français ont augmenté respectivement de 4 points et de 2.4 points, cela signifierait donc que l'augmentation du déficit serait quasiment entièrement structurelle, voire 100% structurelle dans le cas du Royaume Uni. 


Les deux pays ont mené des politiques de relance en 2009, mais pas suffisantes et en tout cas pas de cette ampleur. De même, la productivité au Royaume Uni semble avoir baissé depuis la crise, ce qui traduit un choc structurel, mais qui n'explique pas à lui seul la trajectoire du PIB anglais depuis 2009. Il y a donc un problème avec l'estimation actuelle faite par la Commission. Bien entendu, si on croit cette estimation, on a tendance à vouloir justifier les politiques de rigueur. Sans vouloir mettre en doute le travail des économistes de la Commission Européenne, on peut néanmoins s'interroger sur leurs contraintes. 





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