En soi non. Lorsque la croissance est plus basse que prévue, le déficit en ratio de PIB est plus haut que prévu. On sait pourquoi ça arrive et ce n'est une surprise pour personne, ce qui explique que les marchés n'aient pas bougé d'un iota à l'annonce par le gouvernement du non-respect de l'objectif en 2014. Pour cela, il faut comprendre comment les dépenses et les recettes réagissent à la croissance.
Les dépenses sont en grande partie fixes, décidées en avance sous la forme d'une enveloppe budgétaire (G). Une petite partie dépend de la conjoncture, et augmente quand le PIB diminue (principalement les allocations chômages). Appelons p le poids de ces dépenses dans le PIB.
Dépenses = G - p x PIB
Les recettes proviennent d'impôts proportionnels et d'impôts progressifs. Pour simplifier, on peut ranger d'un côté la TVA, la CSG, les taxes sur les produits, les cotisations sociales, qui sont proportionnelles (taux moyen a) au PIB, et l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur les revenus, qui sont progressifs et augmentent plus vites que les revenus (B). À cela s'ajoutent des recettes qui ne dépendent pas directement du PIB (ISF, taxe d'habitation, etc...) qu'on peut déduire des dépenses G par simplicité.
Recettes = a x PIB + f(PIB) où B(.) est une fonction convexe (quand PIB augmente de 1%, B(PIB) augmente de plus que 1%). Par exemple posons B(PIB) = B x PIB² .
Si on s'intéresse au ratio de déficit sur PIB cela donne:
def = G/PIB - p - a - B x PIB
Pour la France, les impôts proportionnels pèsent 35% du PIB, la politique de l'emploi environ 2,5%, les impôts progressifs 10% et le reste de la dépense publique 50%. Cela donne un déficit public primaire (hors intérêts de la dette) de 2,5 = 50 - 2,5 - 35 - 10 points de PIB. Ce qui nous intéresse, c'est ce qui fait varier ce déficit entre deux hypothèses de PIB. Soit n le taux de croissance du PIB nominal (entre deux années, ou la différence de prévision pour la même année), on obtient :
Variation du déficit = -n x ( g + b) où g = G/PIB = 50% et b = BxPIB = 10%
Donc la croissance se répercute à 60% sur le déficit. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, si la croissance est inférieure de 1 point (n = -1), le déficit est supérieur de 0,6 point de PIB. Cela s'appelle le stabilisateur automatique.
Dans toutes ces équations, PIB désigne le PIB nominal, c'est à dire non corrigé de l'inflation. Si l'inflation est plus basse de 1 point que prévu, cela a donc le même effet sur le PIB nominal que si la croissance est plus basse de 1 point. Dans le budget 2014, le gouvernement avait prévu 0,9% de croissance et 1,4 % d'inflation. Ces prévisions ont été revues à 0,4% et 0,5% d'inflation. Cela correspond à une augmentation du PIB nominal en 2014 de 0,9% au lieu de 2,3%, soit un ralentissement de 1,4% dû pour deux tiers au ralentissement de l'inflation (si on aime distribuer les baffes, il y en a au moins deux tiers qui vont à la BCE, voire plus si on tient compte du lien moindre inflation - moindre croissance).
Est-ce qu'on comprend donc la révision du déficit 2014? Le gouvernement visait un déficit à 3,6 points de PIB initialement. Si la croissance nominale n ralentit de 1,4 point on s'attend donc à une révision du déficit à la hausse de 60% x 1,4 = 0,8 point, donc 4,4 points de PIB, soit la nouvelle prévision. On peut aussi dire que même si on attribue tout le ralentissement de la croissance à l'erreur du gouvernement, si l'inflation avait été de 1,4% comme prévu alors le déficit 2014 aurait probablement été plus proche de 3,8 points de PIB. Si l'inflation avait été de 2%, comme le mandat de la BCE le mentionne, la cible de déficit du gouvernement aurait même été atteinte, malgré l'erreur sur l'inflation.
Ce mécanisme est d'ailleurs bien compris dans les règles budgétaires européennes, qui évaluent l'effort de réduction pour tenir compte du respect de la règle de convergence vers 3%. En l'occurrence, si le déficit stagne malgré une dégradation de la conjoncture, c'est bien que le déficit "sous-jacent" (qu'on appelle le déficit structurel) a été réduit, d'environ 0,8 point en 2014. En toute logique, si elle suit la logique de ses propres règles, la Commission devrait donc accorder un délai supplémentaire à la France pour repasser sous la barre des 3%.
La mauvaise conjoncture n'est pas du tout une bonne nouvelle, mais la question qu'il faut se poser est la suivante : faut-il compenser cette mauvaise conjoncture par plus de coupes budgétaires ou plus de hausses d'impôts? La théorie économique suggère qu'en général, l'Etat ne doit se préoccuper que de stabiliser sa dette de long terme à un niveau déterminé, peu importent les fluctuations de la demande, qui peuvent être gérées par la politique monétaire. Avec une banque centrale efficace, redoubler d'effort pour réduire le déficit n'a pas d'impact sur la croissance et les stabilisateurs automatiques sont inutiles. Si la banque centrale faillit à sa tâche, alors il est utile de laisser jouer les stabilisateurs. Mario Draghi, qui appartient au camp des économistes pensant que les Banques Centrales ne peuvent pas tout, a d'ailleurs encouragé les gouvernements de la zone euro à laisser la politique budgétaire jouer son rôle stabilisateur. D'autant que les taux d'intérêt sur la dette n'ont jamais été si bas.
PS1 : On peut remarquer qu'une partie des impôts progressifs payés en 2014 sont en fait assis sur les revenus 2013, donc ne dépendent pas directement du PIB 2014. C'est le cas des impôts sur le revenu et d'une partie de l'impôt sur les sociétés. L'élasticité du déficit à la croissance (les fameux 60% ci-dessus) est donc probablement comprise entre 50% et 60%.
PS2 : Une règle amusante de politique monétaire consisterait à cibler non pas l'inflation mais la croissance du PIB nominal. Outre que ce serait un instrument plus efficace de politique monétaire, cela faciliterait grandement la tâche des gouvernements.
Ce mécanisme est d'ailleurs bien compris dans les règles budgétaires européennes, qui évaluent l'effort de réduction pour tenir compte du respect de la règle de convergence vers 3%. En l'occurrence, si le déficit stagne malgré une dégradation de la conjoncture, c'est bien que le déficit "sous-jacent" (qu'on appelle le déficit structurel) a été réduit, d'environ 0,8 point en 2014. En toute logique, si elle suit la logique de ses propres règles, la Commission devrait donc accorder un délai supplémentaire à la France pour repasser sous la barre des 3%.
La mauvaise conjoncture n'est pas du tout une bonne nouvelle, mais la question qu'il faut se poser est la suivante : faut-il compenser cette mauvaise conjoncture par plus de coupes budgétaires ou plus de hausses d'impôts? La théorie économique suggère qu'en général, l'Etat ne doit se préoccuper que de stabiliser sa dette de long terme à un niveau déterminé, peu importent les fluctuations de la demande, qui peuvent être gérées par la politique monétaire. Avec une banque centrale efficace, redoubler d'effort pour réduire le déficit n'a pas d'impact sur la croissance et les stabilisateurs automatiques sont inutiles. Si la banque centrale faillit à sa tâche, alors il est utile de laisser jouer les stabilisateurs. Mario Draghi, qui appartient au camp des économistes pensant que les Banques Centrales ne peuvent pas tout, a d'ailleurs encouragé les gouvernements de la zone euro à laisser la politique budgétaire jouer son rôle stabilisateur. D'autant que les taux d'intérêt sur la dette n'ont jamais été si bas.
PS1 : On peut remarquer qu'une partie des impôts progressifs payés en 2014 sont en fait assis sur les revenus 2013, donc ne dépendent pas directement du PIB 2014. C'est le cas des impôts sur le revenu et d'une partie de l'impôt sur les sociétés. L'élasticité du déficit à la croissance (les fameux 60% ci-dessus) est donc probablement comprise entre 50% et 60%.
PS2 : Une règle amusante de politique monétaire consisterait à cibler non pas l'inflation mais la croissance du PIB nominal. Outre que ce serait un instrument plus efficace de politique monétaire, cela faciliterait grandement la tâche des gouvernements.
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