lundi 15 septembre 2014

Supprimer des jours fériés est-il source de croissance?

Si on supprime deux jours fériés, et que toutes les conventions collectives, toutes les entreprises, tous les travailleurs indépendants s'alignent sur la mesure instantanément, alors on relève effectivement le PIB potentiel d'environ 1%. Mais ça ne booste la croissance potentielle que la première année, puisque pour relever de 1% supplémentaire l'année suivante, il faudrait encore supprimer deux jours fériés de plus. Et ainsi de suite. 

Mais ce n'est pas ce qu'il se passera. La plupart des conventions collectives accordent déjà plus de congés aux employés que le minimum légal, il y a peu de chance que cela change. Les indépendants adaptent déjà leur quantité de travail à leurs besoins et capacités, cette mesure n'aura aucun impact sur leur production potentielle. Enfin, s'il y a changement, cela sera probablement progressif. Donc si un cinquième des travailleurs augmente son offre de travail (la quantité d'heures) de 1% étalés sur trois ans, cela booste la croissance potentielle de 0,06% pendant trois ans. Pas très folichon. D'autant que les salariés qui travailleront plus sont aussi ceux pour lesquels le Medef veut réduire le coût du travail, il est peu probable que cette réforme les amène à gagner plus. 

En outre, si le PIB est contraint par la demande, augmenter l'offre ne change rien à la croissance réelle. Les réformes structurelles ne changeront pas la croissance tant qu'on ne sera pas capable de réduire l'écart de production (output gap) entre le potentiel et le réel. En revanche, augmenter l'offre, et donc à PIB réel contraint augmenter l'écart de production peut donner plus d'incitation aux autorités monétaires et budgétaires à relancer l'économie européenne : ça vaut plus le coup de mouiller la chemise pour combler 10% d'output gap que 5%. C'est un choix politique qui n'est ni rationnel, ni optimal d'un point de vue macroéconomique, mais si c'est ainsi que nos institutions fonctionnent, on peut essayer de raisonner sous cette contrainte. 

En tout cas, la proposition du Medef est archaïque et ne sert à rien d'autre qu'à cliver les opinions autour d'enjeux sans importance. Il vaut mieux accepter que la baisse du temps de travail est une tendance de fond dans une société qui s'enrichit, et que la France est peut être allée plus vite (mais pas tant) que les autres pays occidentaux dans ce domaine mais que cela ne veut pas dire qu'il faille revenir en arrière. C'est plus constructif de supprimer des barrières à l'entrée sur certains marchés, de permettre à chacun de se créer sa propre activité, de faciliter l'investissement et l'échange... Le statut d'autoentrepreneur par exemple est très intéressant, mais il y a encore trop de secteurs verrouillés, et le passage d'une activité d'appoint à une activité principale est trop difficile. 

Proposer des réformes structurelles qui auront un impact significatif et qui accompagnent les tendances de fond de la société est plus utile que ce que les partenaires sociaux ou représentants de professions réglementées seront jamais capables de proposer... 


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