La directrice générale du FMI parle aux Echos aujourd'hui :
Le paragraphe qui attire l'oeil est :
Bien évidemment, si on compense la baisse la dépense publique par des allègements fiscaux, on ne réduit plus le déficit. Le FMI n'encourage donc pas la France à réduire le déficit plus qu'elle ne l'a déjà fait, et la réponse est si ambigüe que le journaliste des Échos a titré le contraire. Mais ce n'est pas le plus embêtant dans cet entretien.
D'un côté, on encourage les réformes structurelles qui permettent d'élever le potentiel de l'économie. Augmenter les incitations à travailler et investir en réduisant les impôts est un volet possible. On peut garder un niveau d'imposition élevé, mais réduire les taux en augmentant l'assiette (articulation CSG-IR, imposition du stock de capital plutôt que des revenus du capital) ou lisser les taux marginaux pour éviter les trappes à bas salaire et inactivité (amélioration des dispositifs comme la PPE et le RSA-activité). Au passage, la taxe à 75% existait avant Hollande car ce sont les chômeurs qui la paient lorsqu'ils reprennent une activité. C'est là que l'impôt est le plus distorsif, pas sur les revenus supérieurs au million d'euros. Baisser le niveau global d'imposition en réduisant l'impôt là où il est le plus distorsif, sans compenser la perte de recettes, est un moyen simple d'augmenter les incitations. Mais ce n'est pas le seul, et surtout, il pose un problème de financement.
De l'autre côté, on parle du niveau du déficit. Le mélange des genres est complet dans cet entretien. Mme Lagarde répond à la question du journaliste sur le rythme de réduction des déficits en parlant immédiatement du volet dépenses, en insistant qu'il ne faut pas réduire l'effort. La seule justification macroéconomique de cette vision qui ignore la moitié du problème est qu'une baisse des dépenses réduit le besoin futur de recettes fiscales, donc peut permettre de réduire (ou de ne pas augmenter) à l'avenir les impôts distorsifs, et donc élever le potentiel de long terme. Mais c'est un coup en trois bandes qui n'a rien à voir avec la question de la demande.
Si la conjoncture ne doit pas justifier de nouvelles hausses d'impôts pour atteindre un objectif nominal, elle ne doit pas non plus justifier de nouvelles baisses de dépenses pour atteindre un objectif nominal. Sinon à quoi cela sert-il d'avoir des stabilisateurs automatiques? À vrai dire, si on doit vraiment réduire le déficit tout de suite (ça ne se justifie pas économiquement, mais imaginons par exemple qu'on s'impose une contrainte politique, pour plaire à Olli Rehn, ou ne pas paraître irresponsable aux yeux des bons pères de famille slash mauvais économistes qui composent notre intelligentsia), il vaut mieux augmenter la TVA, l'ISF et la CSG qu'annuler des projets d'investissement public, le premier poste de dépense affecté car le plus facile à ajuster à court terme.
En vérité la meilleure façon de procéder est d'annoncer des objectifs de quantité et qualité des services publics, d'expliquer comment remplir ces objectifs en dépensant le moins possible, puis de financer cette dépense par des impôts les moins distorsifs possibles. Enfin il reste une place pour la politique de redistribution, qui peut également être conçue pour remplir des objectifs clairs (montant des minima sociaux, taux de pauvreté, correction des inégalités...) financés par des impôts les moins distorsifs possibles. Dans tous les cas, c'est un processus de long terme qui n'a pas grand chose à voir avec la stabilisation macroéconomique. Cela n'a donc rien à faire dans un paragraphe traitant de la demande, et encore moins si c'est pour soutenir sans les justifier des objectifs de réduction de la dépense.
Il semble entériné dans la conscience collective que la dépense publique est inefficace et doit être réduite. Mais rien ne suggère qu'il soit possible de réaliser d'énormes économies sans réduire le volume de services publics. On peut souhaiter abandonner certains services publics, mais il faudrait être plus honnête sur la formulation de cet objectif. La dégradation des conditions de travail dans l'Education Nationale en est un bon exemple. A un moment, il faut assumer.
PS : l'indicateur INSEE de pourcentage de dépense publique (et de taux de prélèvements obligatoires) ne dit pas ce qu'on veut vous faire croire quand on commence un argument par dire que 57,2% du PIB est énorme et doit à tout prix être réduit. D'abord il contient une bonne partie d'épargne et d'assurance forcée (ce qui explique une grande partie des différences avec nos voisins), puis il dépend de convention de calculs qui peuvent brouiller le message. Par exemple, le CICE, qui pour la plupart des entreprises est vécu comme une baisse d'impôts, est enregistré en dépense publique pour l'Insee, car c'est un crédit d'impôt qui donne potentiellement (et tout est dans le potentiellement) droit à remboursement, donc décaissement de l'Etat.
"Est-il pertinent de ralentir le rythme de réduction des déficits, comme le prévoit la France ?
Il faut garder le cap de la réduction des dépenses publiques. Même si l’inflation est plus faible que prévu, elle ne peut pas être utilisée comme un paravent pour reporter les efforts nécessaires sur la dépense. La conjoncture ne doit pas non plus justifier de nouvelles hausses d’impôts : si, en raison d’une croissance particulièrement faible, les revenus d’un Etat sont réduits, cela ne doit pas l’encourager à durcir la fiscalité pour atteindre un objectif nominal. Notons par ailleurs que le chemin de la consolidation budgétaire n’est pas redoutablement ardu. Si la réduction de la dépense publique est compensée en grande partie par des allégements fiscaux, comme la France l’envisage, l’effet sur la demande reste contenu."
Bien évidemment, si on compense la baisse la dépense publique par des allègements fiscaux, on ne réduit plus le déficit. Le FMI n'encourage donc pas la France à réduire le déficit plus qu'elle ne l'a déjà fait, et la réponse est si ambigüe que le journaliste des Échos a titré le contraire. Mais ce n'est pas le plus embêtant dans cet entretien.
D'un côté, on encourage les réformes structurelles qui permettent d'élever le potentiel de l'économie. Augmenter les incitations à travailler et investir en réduisant les impôts est un volet possible. On peut garder un niveau d'imposition élevé, mais réduire les taux en augmentant l'assiette (articulation CSG-IR, imposition du stock de capital plutôt que des revenus du capital) ou lisser les taux marginaux pour éviter les trappes à bas salaire et inactivité (amélioration des dispositifs comme la PPE et le RSA-activité). Au passage, la taxe à 75% existait avant Hollande car ce sont les chômeurs qui la paient lorsqu'ils reprennent une activité. C'est là que l'impôt est le plus distorsif, pas sur les revenus supérieurs au million d'euros. Baisser le niveau global d'imposition en réduisant l'impôt là où il est le plus distorsif, sans compenser la perte de recettes, est un moyen simple d'augmenter les incitations. Mais ce n'est pas le seul, et surtout, il pose un problème de financement.
De l'autre côté, on parle du niveau du déficit. Le mélange des genres est complet dans cet entretien. Mme Lagarde répond à la question du journaliste sur le rythme de réduction des déficits en parlant immédiatement du volet dépenses, en insistant qu'il ne faut pas réduire l'effort. La seule justification macroéconomique de cette vision qui ignore la moitié du problème est qu'une baisse des dépenses réduit le besoin futur de recettes fiscales, donc peut permettre de réduire (ou de ne pas augmenter) à l'avenir les impôts distorsifs, et donc élever le potentiel de long terme. Mais c'est un coup en trois bandes qui n'a rien à voir avec la question de la demande.
Si la conjoncture ne doit pas justifier de nouvelles hausses d'impôts pour atteindre un objectif nominal, elle ne doit pas non plus justifier de nouvelles baisses de dépenses pour atteindre un objectif nominal. Sinon à quoi cela sert-il d'avoir des stabilisateurs automatiques? À vrai dire, si on doit vraiment réduire le déficit tout de suite (ça ne se justifie pas économiquement, mais imaginons par exemple qu'on s'impose une contrainte politique, pour plaire à Olli Rehn, ou ne pas paraître irresponsable aux yeux des bons pères de famille slash mauvais économistes qui composent notre intelligentsia), il vaut mieux augmenter la TVA, l'ISF et la CSG qu'annuler des projets d'investissement public, le premier poste de dépense affecté car le plus facile à ajuster à court terme.
En vérité la meilleure façon de procéder est d'annoncer des objectifs de quantité et qualité des services publics, d'expliquer comment remplir ces objectifs en dépensant le moins possible, puis de financer cette dépense par des impôts les moins distorsifs possibles. Enfin il reste une place pour la politique de redistribution, qui peut également être conçue pour remplir des objectifs clairs (montant des minima sociaux, taux de pauvreté, correction des inégalités...) financés par des impôts les moins distorsifs possibles. Dans tous les cas, c'est un processus de long terme qui n'a pas grand chose à voir avec la stabilisation macroéconomique. Cela n'a donc rien à faire dans un paragraphe traitant de la demande, et encore moins si c'est pour soutenir sans les justifier des objectifs de réduction de la dépense.
Il semble entériné dans la conscience collective que la dépense publique est inefficace et doit être réduite. Mais rien ne suggère qu'il soit possible de réaliser d'énormes économies sans réduire le volume de services publics. On peut souhaiter abandonner certains services publics, mais il faudrait être plus honnête sur la formulation de cet objectif. La dégradation des conditions de travail dans l'Education Nationale en est un bon exemple. A un moment, il faut assumer.
PS : l'indicateur INSEE de pourcentage de dépense publique (et de taux de prélèvements obligatoires) ne dit pas ce qu'on veut vous faire croire quand on commence un argument par dire que 57,2% du PIB est énorme et doit à tout prix être réduit. D'abord il contient une bonne partie d'épargne et d'assurance forcée (ce qui explique une grande partie des différences avec nos voisins), puis il dépend de convention de calculs qui peuvent brouiller le message. Par exemple, le CICE, qui pour la plupart des entreprises est vécu comme une baisse d'impôts, est enregistré en dépense publique pour l'Insee, car c'est un crédit d'impôt qui donne potentiellement (et tout est dans le potentiellement) droit à remboursement, donc décaissement de l'Etat.
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