Billet d'humeur au milieu de l'été. Navré pour le silence, le blogage reprendra à un rythme normal en septembre.
Dans une interview donnée au Monde hier, le président de la Bundesbank tente de justifier la faible croissance européenne par l'incapacité des gouvernements de la zone euro à mener les réformes structurelles nécessaires.
La bonne grille de lecture n'est pas celle du technocrate désintéressé tentant d'aider des gouvernements forcément incompétents (ou potentiellement corrompus) à prendre des décisions difficiles mais qui s'imposent dans l'intérêt de tous. La bonne grille de lecture est celle du responsable politique, en charge de la politique monétaire, qui n'assume pas l'échec de sa politique bien trop restrictive, et se justifie en pointant du doigt d'autres responsables.
Le mandat de la BCE est d'assurer une inflation annuelle de 2% (ou légèrement en dessous) dans la zone euro. Selon toutes les mesures (prix à la consommation, déflateur de PIB, salaires, avec et sans énergie, avec et sans TVA...) cet objectif est manqué d'au moins 1 point, voire 1,5 points. Certaine théories économiques suggèrent qu'il est difficile de sortir d'une spirale déflationniste, mais qu'il est possible d'essayer. Jens Weidmann s'oppose publiquement depuis 3 ans à toute mesure monétaire non-conventionnelle. Résultat, la cible est manquée. C'est compliqué l'inflation, on ne voit pas bien pourquoi c'est bien d'avoir 2% et mal d'avoir 0,5%. Le plus évident à voir est que l'inflation, c'est aussi l'augmentation des salaires (à productivité constante), et que donc l'inflation mange les dettes passées. Les taux d'intérêts sur ces dettes passées ont été fixés quand on pensait que l'inflation serait de 2%, donc tout ralentissement non anticipé augmenté le poids de la dette. Sans parler du fait qu'à taux d'intérêt bloqué (à 0%), le ralentissement de l'inflation augmente les taux réels, et donc déprime l'investissement. Mais bon, c'est plus compliqué que la croissance et Jens Weidmann le sait bien. Alors il dévie, en justifiant que l'inflation est basse à cause de l'énergie et de l'alimentaire, ce qui n'est que partiellement vrai puisque l'inflation sous jacente (hors énergie, alimentaire, tabac...) est à 0,9% en moyenne depuis le début de l'année (contre 0,7% au total), et même si c'était entièrement vrai, son mandat de 2% est sur l'inflation totale, ce qui a justifié la hausse des taux en 2011 quand l'inflation totale dépassait 2,4% tandis que le sous jacent n'était qu'à 1,7%. Dans les milieux académiques, on en vient à parler de "règle de Weidmann" pour expliquer la politique asymétrique de la BCE, et pour mieux la ridiculiser. Puis après cette fausse explication qui lui permet de paraître expert, il change de sujet en montrant du doigt les insuffisances (réelles) des gouvernements sur la croissance, un concept plus palpable. Seulement voilà, les gouvernements ont très peu de prise sur la croissance de court terme, et même s'ils menaient les réformes nécessaires selon Jens Weidmann, cela prendrait des années avant de se voir dans les statistiques. La croissance de court terme est déterminée entre autre par la trajectoire du déficit et par la politique monétaire. Quand on connaît la première (exigée entre autres par Weidmann) et que la BCE refuse d'accommoder la seconde (ce qui est doublement nécessaire quand l'Etat comme tout le monde se serre la ceinture), il n'y a rien d'étonnant à ce que le PIB stagne.
Quand un responsable gouvernemental fait la même chose que Weidmann et veut faire oublier sa mauvaise gestion économique en expliquant que la politique monétaire est trop restrictive, la ficelle est trop grosse n'est-ce-pas? Qu'est-ce-qui vous fait croire qu'un technocrate serait moins humain qu'un homme politique?
Le lien vers l'interview : Ici
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